Philippine Serrou's profile

# 1 Série La main donne

#4 Série La main donne / Рука отдаёт
 
2016-2018
Dimensions variables 
Plâtre, alginate, fil blanc
 
Le verbe "отдавать"  [otdavat'] en russe signifie « donner », « remettre » mais également dans un autre sens, « renoncer ». À travers ce choix de titre, qui rassemble toutes les épreuves de main, j’exprime l’idée selon laquelle la main est un des premiers vecteurs de transmission. À la naissance, c’est par leur biais de l’enfant arrive au monde, c’est ainsi notre premier contact, elles sont le symbole de la tactilité. C’est aussi à travers elles l’image de la « construction », de la « fabrication » elles sont ainsi à la fois instruments et extensions. Le choix du titre est alors ici à double sens. En effet, tout d’abord c’est l’image de la main comme transmetteur de quelque chose, comme « donnant » et de fait perpétuant, « construisant » donc. Mais on a vu également à travers la notion d’occultation mémorielle l’idée selon laquelle dans la pluralité identitaire, certains facteurs font qu’une personne préfère ou est contrainte de « renoncer » à cette transmission. La notion de transmission est en effet en un sens déjà un « renoncement », car en effet, une fois celle-ci faite, ce qui a été transmis n’appartient plus désormais uniquement au transmetteur. Lorsqu’une mémoire est transmise, une mémoire familiale par exemple, celle-ci appartient désormais aux générations futures pouvant ainsi faire le choix de la manière dont ils vont appréhender, utiliser, diffuser cette mémoire. Une fois la transmission faite, le « devoir accompli », le transmetteur est ainsi délesté en un sens. La main ainsi ici est à la fois plurielle et unique, dans le sens où chaque épreuve est différente, à une position différente, exprime ainsi quelque chose de différent, mais il ne s’agit en fait ici que d’une seule et même main : la mienne, tentant de « creuser » dans la matière mémorielle pour rattacher les liens culturels altérés. C’est également la volonté de l’affirmation de l’importance de la transmission, quelle que soit sa forme et sa manière d’être. Chaque main est alors « garnie » de fractures plus moins profondes et sévères, symboles de nouveau de cette fracture initiale, de cette blessure dans le manque et dans l’altération mémorielle et de ce fait identitaire, qui tend à se soigner. La main a également une mémoire propre, presque comme si elle était indépendante de l’esprit. Il nous arrive par exemple, par le biais de l’écriture, de retrouver une mémoire, que la mécanique de la main avait conservée. Cette image est tout à fait intéressante dans l’idée que notre propre corps garde mémoire même si celle-ci semble nous avoir échappé. Le corps, ainsi, capte trace de tout et conserve.
# 1 Série La main donne
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